Fort-Royal (Martinique), 15 mars 1825


Mon très cher père et ma très chère mère,

Une lettre que j'ai reçue il y a un mois de mon frère Théodore est le sujet de celle-ci. Entièrement décidé de venir me rejoindre malgré tout ce que j'ai pu lui dire de ce pays par rapport à la santé, désireux moi-même de rapprocher de moi un frère et un ami.
J'ai presque malgré moi acquiescé à sa demande. Nous avons jusque ici tout disposé pour vous demander votre approbation, bien persuadés que vous consentirez à tout ce qui pourrait être avantageux à vos fils. Je vous la demande maintenant, cette approbation; cependant permettez-moi de vous représenter que, quoique bien aise d'attirer auprès de moi un frère, je ne me permettrai jamais de l'engager de mon chef à faire ce voyage; parce que s'il venait à lui arriver quelque chose de fâcheux je me reprocherais toute ma vie d'en être la cause. Puisqu'il a demandé lui-même à venir, puisqu'il le veut absolument, je le veux aussi de grand coeur.
Aussi Théodore n'est pas un enfant, c'est mon aîné, je ne me permettrai pas d'en dire davantage, je le croirais déplacé.
Je soumets à votre sagesse paternelle cette affaire et le soin d'en décider comme il lui plaira.
Il ne manquera rien à mon frère à son arrivée à la Martinique, ma maison va toujours assez bien et lui promets plus d'ouvrage qu'il pourra en faire.
Je jouis toujours grâce à Dieu de ma santé ordinaire.
J'écris à Théodore les instructions et les dimensions qu'il doit prendre pour son voyage et l'emploi qu'il doit faire de son argent.

Mon très cher père et ma très chère mère, permettez à l'amitié de s'épancher un instant. Pensez quelque fois à votre fils, il pense bien souvent à vous. Aimez-le, vous êtes le sujet de sa vénération. Si c'est de votre pleine volonté de laiser partir Théodore, faites pour lui quelques sacrifices; sa conduite et son amour pour le travail est un beau titre de recommandation auprès de vous.

J'embrasse du fond du coeur mes frères et soeur et mes parents.
Et je signe avec le plus grand respect
Mon très cher père et ma très chère mère, votre très humble et dévoué fils.


Auguste Perriollat

Faites parvenir l'incluse à Théodore le plutôt possible.

A mon frère Maurice

Mon très cher frère,

J'attends encore la réponse à la lettre qui te donnait avis que je tirais sur toi trois mille francs au profit de Mr Gérard, de Saint Pierre, Martinique. Comme je ne devais toucher cet argent qu'après l'avis d'encaissement je ne l'ai pas encore reçu.
Je travaille maintenant avec les seuls deux mille francs que j'ai touchés de la seconde lettre de change liée au profit de Mr Achard, qui me l'a payée comptant; cependant je compte la recevoir tous les jours.
Je fais toujours de bien jolis bénéfices et mes fonds sont si bien placés qu'il m'est impossible de les perdre.

Bien des choses aux amis communs, embrasse tendrement ton épouse pour moi, tes enfants et crois moi pour la vie ton dévoué ami.

A la réception de la lettre que j'attends je t'écrirai.


Auguste Perriollat



 Retour à l'histoire...