Saint-Pierre (Martinique), 25 juin 1829


Très chers parents,

Nous profitons d'une occasion bien agréable pour nous pour vous faire parvenir de nos nouvelles. Je désire que la santé de notre inappréciable ami Dorel ne l'empêche pas de remplir l'engagement qu'il a pris de passer quelques jours auprès de vous en se rendant de Paris à Sisteron auprès de ses parents.
Cet ami de coeur, duquel je ne pourrai jamais faire assez d'éloges, a des droits incontestables à votre amitié, chers parents; il est la première connaissance que j'ai faite dans ce pays et la seule personne à qui je me sois attaché. Depuis sept ans notre attachement réciproque n'a pas été interrompu une minute. Plus je l'ai fréquenté, plus j'ai senti sans réserves les liens d'amitié qui nous attachent si étroitement aujourd'hui. Son départ me fait verser des larmes que le temps aura de la peine à tarir. Traitez-le, chers parents, comme votre fils, vous ne ferez jamais assez pour satisfaire aux obligations que je lui ai d'avoir bien voulu être auprès de vous l'interprète des sentiments tendres que j'éprouve pour vous depuis que je vous ai quittés.
J'envie son sort; ou plutôt pourquoi ne puis-je pas l'accompagner dans ce voyage, pourquoi comme lui n'ai-je pas le bonheur d'aller serrer dans mes bras ce que j'ai de plus cher au monde?

Je prie mes frères Maurice et Eugène, à qui je ne peux pas écrire en particulier vu le départ précipité de mon ami, de faire tout ce qui dépendra d'eux pour le distraire durant son séjour à la maison.
Je prie Eugène en particulier de l'accompagner à St Marcellin où il m'a promis d'aller voir notre frère Baptiste et sa famille, et ensuite à Romans, de là à Valence si la santé toujours souffrante de notre cher papa ne s'y oppose pas, désirant dédommager par tous les moyens possibles l'ami Dorel du temps qu'il ravit à ses parents pour le conserver aux nôtres.

Je manque, chers parents, une bien belle occasion pour vous faire parvenir quelques cadeaux que j'aurais bien désiré vous adresser par Monsieur Dorel, mais la situation présente de mes affaires me fait remettre à une autre occasion un devoir que je remplirai avec plaisir.

Cher Papa et chère Maman, je n'ai plus rien à vous dire, Monsieur Dorel sera assez complaisant pour vous peindre de vive voix ce que je ressens pour vous et pour tous mes parents en général.
Je prie le frère Maurice de ne pas se fâcher de ce que je ne profite pas de cette occasion pour lui écrire directement, j'aurai ce plaisir là dans quelques jours.

J'ai appris avec plaisir par une lettre de Maman que toute la famille allait bien, je désire que cela continue.

En attendant que j'aie le bonheur d'aller vous joindre, recevez, chers parents l'assurance de l'attachement le plus sincère de votre très humble et très dévoué fils.


Auguste Perriollat



 Retour à l'histoire...