Histoire(s) de notre nom
 
ART-TANNEUR : un nom composé dont la naissance s'avère récente, et qui n'est en rien dû à un mariage entre deux familles... mais lisez plutôt !
 
    
 
 Onomastique
 
oici ce que l'on trouve lorsque l'on fait des recherches sur l'origine du patronyme CART :

"CART : Patronyme assez courant en Franche-Comté, où l'on trouve aussi la variante CARD. Deux possibilités : soit le surnom d'un cardeur de laine, soit une aphérèse du prénom Richard, la seconde solution semblant la meilleure.
A noter dans le Doubs les noms composés Cart-Gran(d)jean, Cart-Lamy et Cart-Tanneur." *

On pourrait citer également le patronyme Cart-Balt(h)azar(d), assez souvent retrouvé dans les registres locaux : ainsi, en 1723, Antoine CART, aaaaaagp de mes filles, épouse à Mouthe (25) Jeanne CART-BALTAZAR.

De faàon générale on rencontre dans les RP de Mouthe de nombreux sobriquets pour les CART, dès le début des années 1600 pour les plus anciens; seuls les CART-TANNEUR apparaîtront plus tardivement, au XVIIIe siècle.

*(source : Jean Tosti)
    
 
Apparition du "-tanneur" !
 
es actes d'état-civil que l'on trouve à Mouthe présentent le grand intérêt, pour le généalogiste, d'être très souvent signés, y compris par les femmes et pour des dates anciennes : il est possible que le bas niveau d'illettrisme de la population soit à relier à la présence, depuis longtemps en Franche-Comté, de moines et de nombreuses écoles religieuses, ce qui favorisait l'instruction et l'éducation des Meuthiards (habitants de Mouthe !).

Considérons l'évolution du nom de nos ancêtres, validé par leurs signatures que l'on peut ainsi noter :

Année, lieu Evénement (*) Nom(s) cité(s) Signature Image
1723
Mouthe
mariage
256 x 257
"François Antoine CART
fils de
Simon CART"
tous :
CART
-
1780
Mouthe
mariage
128 x 129
"Alexandre CART"
(non filiatif)
CART
1782
Mouthe
baptême
64
le père,
"Alexandre CART"
CART
1809
Mouthe
décès
128
"Alexandre CART,
fils d'
Antoine François CART"
CART -
1816
Mouthe
mariage
64 x 65
"Claude Joseph CART-TANNEUR,
fils de feu
Alexandre CART-TANNEUR"

+ témoin:
"Emmanuel Joseph CART-TANNEUR"
tous :
CART

1820
Mouthe
baptême
32
le père,
"Claude Joseph CART-TANNEUR"
CART
1843
Salins
mariage
32 x 33
"Emile Stéphanie CART-TANNEUR",
fils de
Claude Joseph CART-TANNEUR"
CART-TANNEUR
1871
Mouthe
baptême
8
le père,
"Louis Alexandre CART-TANNEUR"
CART-TANNEUR

(*) Rappel des numéros Sosa:
8   Louis CART-TANNEUR x 1919 Aline TRUFFAULT 9
16  Louis CART-TANNEUR x Delphine REVERCHON 17
32  Emile CART-TANNEUR x1834 Hypolithe BERGERET 33
64  Claude CART-TANNEUR x1816 Marie MAIRE 65
128 Alexandre CART x1780 Jeanne COURVOISIER 129
256 Antoine CART x1723 Jeanne CART-BALTAZAR 257
512 Simon CART x1685 Simone MAIRE 513

n distingue, au vu de ce tableau, 3 périodes :

  • Jusqu'en 1809, tous sont nommés CART et signent CART.
  • Puis la dénomination CART-TANNEUR fait son apparition, mais ne semble pas encore utilisée dans la vie courante puisque les intéressés signent toujours CART.
  • En 1843 (et ce sans doute depuis quelques années déjà) les nommés CART-TANNEUR ont "adopté" leur nom puisqu'ils l'utilisent pour signer.

A noter qu'en 1816, à l'occasion du mariage de Claude Joseph CART-TANNEUR (qui signe CART, pourtant), est cité son père décédé sous le nom de "feu Alexandre CART-TANNEUR" : or Alexandre n'est jamais apparu que sous le nom de CART dans tous les actes établis de son vivant, et même dans son acte de décès : on peut penser qu'il s'agit là d'un abus de langage de l'officier d'état-civil, qui a pensé - à tort, mais il ne le savait pas !- que le père s'appelait comme le fils ...

lors, d'où vient cet ajout ??

Il faut s'arrêter, dans l'ascendance CART-TANNEUR, à la génération d'Alexandre CART, cultivateur et tailleur de pierres né en 1740, époux de Jeanne COURVOISIER et père de trois fils :

  • Claude, né en 1782 (notre ancêtre)
  • Antoine Feréol, né en 1785
  • Emmanuel Joseph, né en 1788.

Claude, fils aîné, restera à Mouthe, sans doute propriétaire et/ou exploitant des terres familiales; est-ce la raison qui pousse son cadet, Antoine Feréol, à s'engager ? Voici, rapidement, son histoire, nécessaire si l'on considère exacte la théorie selon laquelle c'est de lui que vient le nom de CART-TANNEUR ...

ntoine Feréol CART voit le jour à Mouthe le 4 octobre 1785:

clic pour agrandir

Il s'engage en 1805, à l'âge de 20 ans. C'est son acte de décès, à l'âge de 24 ans, qui nous apprend son parcours :

clic pour agrandir

Antoine Feréol était donc "Fusilier du 52e Régiment d'Infanterie légère, 1er Bataillon, 4e Compagnie, enregistré sous le n° 9196 de matricule du Corps" : son décès en 1809, après seulement 4 ans de carrière dans l'armée, a lieu à Gratz, en Autriche. C'est en effet à l'hôpital des Carmélites de Gratz qu'il fut admis; hôpital qui accueillit les blessés de la fameuse Bataille de Wagram, menée par la Division MacDonald à laquelle Antoine, vu son âge, a probablement appartenu.

Bataille de Wagram - 1809

C'est cette Division qui permit, en résistant à la charge de la cavalerie autrichienne, de mener les troupes à la victoire les 5 et 6 juillet 1809.
En reconnaissance, la ville de Gratz offre à MacDonald 200.000 francs or, mais ce dernier refuse et demande en échange à ce que les blessés de sa Division soient soignés par les Carmélites de Gratz... C'est ainsi qu'Antoine Feréol s'éteint parmi elles, quatre mois plus tard et "par suite de fièvres", bien loin de sa terre d'origine.
Le décès sera enregistré à Mouthe le 13 juillet 1810.

Wagram, mais aussi Austerlitz - une autre des batailles menées par la Divison d'Antoine : il n'en faut pas plus pour que celui-ci devienne l'objet de la fierté familiale puis, après son décès, du respect de tous envers le héros trop tôt mort au combat.

'importance de l'existence de ce collatéral réside dans la rédaction de son acte de décès: on y lit clairement

"Antoine Feréol CART dit le tanneur"

On peut penser que ce surnom lui fut donné au sein de sa Division du fait qu'il devait savoir réparer les baudriers et autres éléments de cuir; son grand'père et son arrière-grand'père ont été cordonniers, son neveu François l'est également - la bourrellerie semble une capacité familiale et l'armée a pu vouloir en profiter.
Toujours est-il que c'est cette mention qui marque l'avénement du nom composé "CART-TANNEUR.

Apparition de ce patronyme, "aura" du héros familial, les éléments se lient pour amener ce patronyme, jusque là porté uniquement par un mort (voire même peut-être donné à titre posthume) jusqu'à sa famille de Mouthe : c'est ainsi que les deux frères d'Antoine, nés et baptisés CART comme leurs aînés, se voient dénommés CART-TANNEUR, l'un (l'aîné, Claude Joseph) en 1814, lors du décès de sa première femme, l'autre (le benjamin Emmanuel) à peu près en même temps, lors du mariage de Claude, en 1816.

Il faudra encore quelques années pour que le patronyme complet apparaisse également au niveau des signatures des actes d'état-civil concernant la famille, marquant ainsi le début de l'existence de ce nom à part entière, qui devait perdurer jusqu'à nos jours.

 
    
 
Evolution du nom
 
ous les CART-TANNEUR vivants aujourd'hui (une trentaine de naissances au XXe siècle) descendent donc des frères de notre héros, Claude et Emmanuel.

Mais ce patronyme a perdu quelques porteurs "en route" : ainsi un lointain cousin me racontait-il qu'il découvrit que sa femme s'appelait CART-TANNEUR, et non simplement CART, au moment de son mariage, en 1947, alors que le Maire lisait l'acte de naissance de sa future ! qui lui expliqua alors que si son nom de baptême était bien CART-TANNEUR, il n'avait jamais été en usage à sa connaissance dans sa famille...

D'autres branches ont également abandonné le "tanneur", pour des raisons assez compréhensibles.

La première est sans doute commerciale et concerne Joseph CART-TANNEUR (1861-1926), petit-fils de Claude et donc petit-neveu d'Antoine Feréol. D'abord bourrelier, il fonda à Mouthe un commerce de vin de grande importance et l'on peut supposer que le surnom de "tanneur" ne convenait pas particulièrement pour cette activité; reprise par ses fils, son entreprise se développa d'ailleurs sous le nom de "Maison CART frères", bien connue des anciens Meuthiards.

la maison Cart frères, à Mouthe, vers 1900

Par ailleurs, Joseph CART-TANNEUR fut Maire de Mouthe pendant un certain nombre d'années, mais n'exerça son mandat que sous le nom de CART : sans doute lui était-il inutile d'"alourdir" son nom alors que tout le monde devait l'appeler "Monsieur le Maire"...

ujourd'hui, notre branche conserve son nom "entier", et s'il n'est pas transmis par mes trois filles (quoique !), il pourra l'être par ses quatre cousins germains, sans oublier quelques porteurs plus éloignés. Les garçons CART-TANNEUR restant en France (et aucun ailleurs, d'ailleurs !) doivent se compter sur les doigts d'une main, mais cela devrait suffire pour que notre nom ne tombe pas dans le grand panier des "patronymes disparus" !

 
    
 
Et pourtant ... (mise à jour de novembre 2003)
 
'il est exact que, comme mentionné plus haut, tous les CART-TANNEUR vivants aujourd'hui sont des descendants de Claude et Emmanuel, frères de Feréol, une recherche approfondie dans les archives de Mouthe permet de retrouver la mention du nom de Cart-Tanneur, ou parfois juste Cart dit tanneur, avant 1809 ...

Il est une vérité en généalogie, celle que nulle source n'est fiable à 100 % : c'est en écrivant les lignes qui précèdent que je me suis pourtant laissé abuser moi-même par le lyrisme de cette belle histoire du héros familial auquel nous devons notre nom... Il semble qu'il n'en est rien, ou au moins que ce nom existait avant lui, s'il n'était pas ou peu porté.

J'ai retrouvé notamment les quelques éléments suivants

- Marie-Hélène CART dit TANNEUR, cousine de la mère de Feréol, née en 1764 et décédée en 1811 : il faudra rechercher le nom qui lui est attribué sur ses actes de baptême, mariage et décès, mais il est manifeste que son nom ne dépend pas de son cousin ...

- Pierre Joseph, fils aîné de Simon CART et Simone MAIRE (les arrière-grands'parents de Feréol) porte déjà le nom de CART-TANNEUR à son décès en 1767 et de même pour sa veuve décédée la même année...

- sa belle-soeur Jeanne Cart-Baltazar, lorsqu'elle décède en 1759, est dite "veuve de Antoine François CART-TANNEUR"

- enfin son frère Pierre Henry n'est que CART à son mariage en 1717, comme à la naissance de ses enfants (de 1718 à 1736) et encore au mariage de son fils Antoine Simon en 1757, mais cet Antoine Simon devient CART-TANNEUR dès 1766 à la naissance de son 4eme enfant.

l apparaît donc plus probable que l'adjonction du suffixe "-tanneur" au patronyme CART date des années 1750-1760, et non du début du siècle suivant.

On remarque une constante : tous les CART-TANNEUR retrouvés sont des descendants de Simon CART, cordonnier; cette adjonction a donc pu, tout simplement, être dûe à la profession de l'ancêtre commun des personnes de cette branche familiale.
Plus ou moins porté ensuite, le nom composé semblerait avoir été ramené à la mémoire des Meuthiards par le tragique destin de Feréol, et l'on peut imaginer que ses frères l'adoptèrent alors plus franchement en souvenir de lui...?

Quoiqu'il en soit voici qui ne conclut pas cette "histoire des Cart-Tanneur", puisque je n'ai fait qu'exposer des théories. Avis aux amateurs de recherches, l'origine de notre nom reste à définir vraiment !

 
    
 



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